L’Arctique, vers la fin d’un sanctuaire? – Par Judith Gendron

Dans un climat international de plus en plus marqué par l’incertitude et l’imprévisibilité géopolitique, la région arctique est souvent dépeinte comme proie aux appétits des grandes puissances assoiffées par l’exploitation de ressources naturelles et les revendications territoriales. Sans pour autant renier les initiatives et manoeuvres militaires ponctuant l’actualité médiatique, plusieurs éléments laissent penser que, d’un point de vue politique, cette région demeure un exemple où la coopération régionale, où le dialogue et le multilatéralisme fonctionnent. Joël Plouffe, chercheur invité par Connexion Internationale est venu parler de cette région méconnue : synthèse de deux heures de discussions animées avec les membres de ce réseau.

Une région plurielle en pleine mutation

L’Arctique n’est pas une zone homogène ou unique, mais correspond à une zone où trois continents se rencontrent. Les climats, l’étendue des infrastructures, les niveaux de développement et les degrés de présence militaire varient grandement. Cette région n’est pas non-plus d’un même intérêt stratégique pour toutes les grandes puissances limitrophes : « On regarde toujours vers son Nord », raconte Joël Plouffe.

Certaines puissances ont par exemple tendance à s’approprier la région au point de l’intégrer dans la construction d’un identitaire politique. Ainsi, cette zone revêt d’une importance capitale pour la Russie, qui y a développé les capacités militaires au point d’être la seule puissance capable d’y naviguer tout au long de l’année. Cette expertise, développée depuis le courant de la Guerre Froide, lui confère une expertise du terrain unique. « Si les Russes vont tenter de se définir comme puissance mondiale, ils vont le faire via l’Arctique », soutient Joël Plouffe. D’autres puissances telles que les États-Unis ne semblent pas, à l’inverse, y avoir porté d’attention particulière si ce n’est que pour des enjeux de recherche scientifique ou de sécurité.

L’intemporalité du discours de Gorbatchev

Pourtant, malgré les apparences, cette zone demeure une zone où règne la coopération depuis plus de 20 ans. Gorbatchev, précurseur de l’initiative de Mourmansk prononce un discours le 1er octobre 1987 dans lequel il pose les jalons de sa vision pour la région arctique : une zone qu’il entrevoit comme une zone de paix, dénuée de tout arsenal nucléaire et où règne la coopération.

Une trentaine d’années plus tard, le Conseil de l’Arctique demeure une institution incontournable où il se traite d’enjeux tels que la sécurité maritime, de développement durable, de droits autochtones, d’environnement, de recherche scientifique et de réglementation sur les pêches. De nombreux enjeux, tels que la sécurité alimentaire ou la santé mentale, sont souvent oubliés des médias, et ramènent aussi les grandes puissances à un dénominateur commun.

Preuve en est, dans le tumulte et la confusion des élections présidentielles américaines, les États-Unis, le climatosceptique et ex-PDG de Exxon Mobil Rex Tillerson a finalement signé la « Déclaration de Fairbanks », où il est question du réchauffement climatique comme plus grande menace à la biodiversité, et de l’importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Alors, pourquoi la coopération marche-t-elle?

Un élément de réponse : l’histoire de la coopération internationale en Arctique est une preuve que la coopération multilatérale fonctionne, car chacun y est vulnérable. Aussi, « quand on oublie les institutions internationales, on crée de l’ambiguïté » selon Joël Plouffe. Les institutions permettent de créer un espace et bâtir des ponts entre les régions, et ainsi, créer de la stabilité interétatique.

Article par Judith Gendron

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